Introduction générale à la thèse
LA notion de surface est à la fois très vaste et très précise selon les aspects que l’on considère. Dans la vie courante, les surfaces conditionnent presque entièrement la conceptualisation de notre environnement physique tant bien visuellement (forme, couleur, aspect...) que tactilement (texture, morphologie, chaleur...). Tout corps présentant un volume fini est nécessairement limité par une surface qui prend alors le sens de frontière.
Un corps placé dans un environnement donné interagit avec celui-ci au niveau de cette surface qui le délimite, cette interaction amène à considérer plus justement la notion d’interface (solide-gaz, solide-liquide, solide-solide, liquide-gaz, liquide-liquide). Il apparaît ainsi plus précisément l’aspect capital de cette notion car si la nature d’un solide conditionne très majoritairement ses propriétés de volume (poids, résistance mécanique...), ses propriétés physico-chimiques d’interaction avec l’environnement (contact, corrosion, réflexion, échanges...) sont régies par les caractéristiques de sa surface. Or, de par son origine de discontinuité (zone de transition), la surface présente des propriétés tout à fait particulières qu’il est nécessaire de connaître et de contrôler afin de protéger ou de renforcer le volume ou afin de la fonctionnaliser en vue d’une application particulière. C’est dans ce cadre de protection, de renforcement et de fonctionnalisation qu’interviennent les traitements et revêtements de surface.
Quasiment tous les objets manufacturés sont soumis à ce type de traitement : couche de décoration (couleurs, informations...), couche à fonctions physico-chimique (mouillabilité, biocompatibilité, isolation électrique...), couche de protection mécanique (abrasion, découpe...). De plus, il s’agit souvent d’obtenir une combinaison de ces propriétés. Il existe deux grandes classes de moyens pour protéger ou fonctionnaliser une surface : la modification
de celle-ci (physique ou chimique) ou l’ajout d’un matériau en film mince présentant ou améliorant les propriétés recherchées. L’ensemble des technologies mises en œuvre dans ce domaine connaît un essor toujours grandissant depuis le début de l’ère industrielle. Historiquement,
le premier domaine d’envergure fût la mécanique avec les traitements thermiques et thermochimiques de surface ainsi qu’avec les dépôts de couches dures ou anti-corrosives. Plus récemment, cet essor s’est fortement amplifié grâce aux technologies de la microélectronique qui utilisent une immense variété de matériaux très différents en couches minces et ultra-minces. Cet essor a profité à tous les autres secteurs de pointe en répondant aux besoins de la complexité et de la diversité croissante des produits technologiques actuels. On dispose aujourd’hui d’une gamme importante et variée de moyens et de techniques pour
modifier ou fonctionnaliser une surface (dépôts par voie liquide ou par voie sèche, dépôts électrolytiques, dépôts physiques ou chimiques en phase vapeur, implantation ionique...).
Le présent travail se consacre à une technique particulière, le dépôt chimique en phase vapeur assisté par plasma ou PECVD (Plasma Enhanced Chemical Deposition), et à une catégorie de procédés particulière, la polymérisation plasma de composés organosiliciés. Le
principe général consiste à disposer d’une phase gazeuse contenant les molécules et atomes susceptibles de réagir pour conduire à la formation d’un produit solide suite à une activation des réactions par plasma. C’est de par son principemêmeque se dégagent les aspects majeurs
de cette technique. L’emploi d’un plasma dit « froid » permet le revêtement de tout type de substrats, même sensibles à la chaleur. Les propriétés du plasma vont conditionner les réactions en phase gazeuse (phase homogène) créant les espèces susceptibles de réagir à la
surface du substrat (phase hétérogène). En agissant sur le plasma, il est donc possible de modifier ces réactions (qualitativement et quantitativement) et donc de contrôler la nature et les propriétés du matériau déposé. La technique permet de disposer d’un système où
tous les paramètres opérationnels (pression de travail, puissance plasma, débit et nature des gaz, etc.) vont agir sur la croissance du matériau et permettre ainsi un contrôle très fin de son élaboration. L’objectif est de maîtriser ces paramètres pour contrôler la vaste gamme de matériaux que l’on peut ainsi obtenir ainsi que leurs propriétés. Cela induit une parfaite
maîtrise et connaissance du procédé afin de pouvoir établir des liens entre les conditions expérimentales et les mécanismes de croissance puis entre les mécanismes de croissance et les propriétés physico-chimiques du matériau. Cet aspect est indispensable à l’obtention contrôlée de propriétés précises.
Ce procédé est utilisé ici avec comme objectif la fonctionnalisation de surface. L’objectif de ce travail est d’étudier le potentiel de la polymérisation plasma de composés organosiliciés pour une fonctionnalisation en termes d’énergie de surface. Cette énergie provient de la coordinence plus faible que présentent les atomes de surface par rapport à ceux du volume. Il en résulte une réorganisation locale et une grande réactivité de ces atomes. Cette énergie est toujours positive, cependant, la tendance naturelle d’un système sera de la minimiser en
réduisant l’étendue de cette surface (tendance à la forme sphérique, reconstruction), en interagissant avec le milieu ambiant (couches d’adsorption, couches d’oxyde) ou en ségrégeant des éléments (atomes à faible énergie en surface). Cette approche énergétique conditionne de
nombreux phénomènes dont il faut avoir la connaissance et le contrôle pour de nombreuses applications. Citons par exemple les problèmes d’adhérence et de collage lors de l’empilement de couches de différentes natures ou encore la notion de mouillage qui concerne les problèmes de brasage ou d’application de peinture, les problèmes de micro-fluidique ou
d’électromouillage où l’interaction entre le liquide et le solide est un paramètre de premier ordre qu’il faut absolument contrôler.
Pour parvenir à cet objectif principal, il est nécessaire d’aborder le problème sous tous les aspects qu’il présente. L’objectif de ce travail est alors triple afin de satisfaire la boucle suivante :
Cette approche permet d’obtenir des informations sur les relations entre ces trois aspects et permettra, à terme, de disposer du contrôle total du procédé en terme d’élaboration des couches et de leurs propriétés.
Il est nécessaire de décrire les cinétiques de croissance en fonction des paramètres critiques du procédé et d’identifier les éventuels régimes de croissance. Une fois la cinétique décrite, il faut identifier son influence sur la physico-chimie des matériaux. Enfin, pour la gamme de propriétés physico-chimiques qu’il est possible d’obtenir, il faut évaluer dans quelle mesure elles contrôlent les propriétés spécifiques de surface et comment il est possible de les modifier.
Cette démarche va permettre d’obtenir une vision globale des potentialités du procédé
étudié et fournira tous les moyens nécessaires à son contrôle, à son intégration et à son transfert.
En effet, le contrôle du procédé nécessite la connaissance des relations entre paramètres
d’élaboration et propriétés ; l’intégration des matériaux pour une propriété spécifique nécessite
la connaissance et le contrôle des autres caractéristiques afin de répondre aux besoins
intrinsèques à un dispositif donné ; le transfert d’un procédé nécessite la connaissance des
paramètres déterminants ainsi que leur influence relative.
Pour parvenir à remplir ces objectifs, nous étudierons l’influence de paramètres intervenant sur la physique et la chimie du plasma comme les conditions électriques, la nature du gaz de dilution (neutre ou réactif) et la quantité de précurseur. L’objectif sera donc d’isoler les paramètres pertinents influant et contrôlant l’énergie de surface des matériaux considérés, de type polysiloxane (ou silicone), afin de contrôler le procédé d’élaboration en ce sens. Pour cela, on étudiera en détail les propriétés de films minces obtenus par PECVD à partir d’un précurseur organosilicié cyclique (parfois comparé à un précurseur linéaire) dans différentes conditions plasma. Les différents aspects de leur conformation et de leur composition, dépendant des conditions d’élaboration, seront mis en relation avec les propriétés d’énergie de surface qu’ils confèrent au film mince.
Le document est découpé en trois parties distinctes dont le coeur se situe dans la seconde partie qui présente les travaux effectués pour répondre aux objectifs fixés. La première partie présente brièvement le cadre de travail et la troisième propose des illustrations concrètes des résultats par quelques exemples applicatifs.
La première partie du document traite des moyens et méthodes mis en œuvre pour remplir les objectifs. Il y est tout d’abord présenté brièvement, dans un premier chapitre, la technique de synthèse des films minces étudiés ainsi que le dispositif expérimental employé.
Le second chapitre décrit les outils majeurs de caractérisation physico-chimique employés dans cette étude comme la spectroscopie infrarouge, l’ellipsométrie spectroscopique et la mesure d’angles de contact. Cette partie, qui ne peut être exhaustive [1], n’a pour ambition que de présenter un contexte de travail. Les généralités indispensables à l’approche de problématiques d’énergie de surface et de mouillage sont regroupées en annexe A.
La seconde partie développe les travaux effectués en matière de contrôle de la synthèse des matériaux et de suivi de leurs propriétés. Le chapitre trois se consacre à l’étude de la croissance des films pour toute une gamme de conditions expérimentales. Le chapitre quatre
est dédié à l’étude de la physico-chimie des dépôts et propose de montrer comment ces propriétés dépendent de la conformation des polymères plasma. Cette conformation étant déterminée par les processus en phase gazeuse, le chapitre présente également quelques éléments sur cet aspect. Le chapitre cinq s’applique à présenter les propriétés de surface des films minces et à étudier leur dépendance aux propriétés de volume. Il décrit également les moyens et mécanismes permettant de modifier ces propriétés de surface.
Enfin, la dernière partie expose quelques résultats applicatifs majeurs qui ont bénéficié de ces travaux de recherche. Le chapitre six présente des exemples de surfaces fonctionnalisées qui permettent la localisation, de manière très simple et très efficace, de nombreuses
substances chimiques ou biologiques. Le chapitre sept montre l’intérêt de couches minces de polysiloxane plasma aux propriétés de surface contrôlées pour les dispositifs d’électromouillage.
[1] Le document renvoie à des références bibliographiques spécialisées.
Le contenu de cet article est une reproduction numérique en ligne de la thèse de Mathias Borella soutenue en octobre 2006. Seules les informations délivrées dans l'édition papier du manuscrit font foi, sont valides et vérifiées. En cas de doute, merci de vous y référer.
Cet article a été publié en ligne pour la première fois en Février 2009. Il a été passé en revue pour la dernière fois le 8 février 2009.